La Légende de la femme Bison Blanc
PTE SAN WIN ou PTE SKA WIN
selon la tradition des amérindiens Lakotas
Archie Fire Lame Deer
Extrait du livre « Le cercle sacré – Mémoires d’un homme-médecine sioux » par Archie Fire Lame Deer
Le récit suivant sur la Femme Bison Blanc a été transmis de génération en génération. Archie Fire Lame Deer (1935 – 2001), homme-médecine (chaman), guide spirituel et conférencier Lakota, l’a recueilli de son grand-père. Ce texte est reproduit du site web: Culture Sioux Lakota, avec quelques adaptations et corrections mineures.
Il y a très, très longtemps, les tribus lakotas se rassemblèrent pour leur grande fête d’été, comme elles le faisaient chaque année, quand la terre était couverte de verdure, que l’herbe était haute et que les plaines regorgeaient de gibier. Cette année-là, pourtant, le gibier restait introuvable, et le peuple avait faim.Parmi les sept tribus rassemblées se trouvaient les Itazipchos, les « Sans-Arcs ». Il étaient affamés, et ils cherchaient désespérément des bisons. Le chef Standing Hollow Horn (Corne-creuse-dressée), choisit parmi ses guerriers deux jeunes hommes qui furent chargés de partir en éclaireurs à la recherche de gibier. Ils poussèrent leur exploration bien loin, de tous côtés, mais en vain. Pourtant, au moment où le découragement s’était emparé d’eux et où ils se préparaient à renoncer et à rentrer au camp, l’un d’eux dit:
Mon frère, je vois un bison au loin, qui vient vers nous.
Ils l’observèrent qui se rapprochait, et l’autre jeune guerrier s’exclama:
Ce n’est pas un bison qui vient là, mais une femme!
C’était une femme, d’une beauté que les mots sont bien pauvres pour décrire. Elle avait un visage radieux, et elle semblait flotter plutôt que marcher. Elle était vêtue dune peau de cerf blanche, bordée de franges, mais sans aucun ornement, qui l’enveloppait comme une robe longue. Ses cheveux, dénoués, flottaient doucement au vent. Du côté gauche y était accrochée une touffe de poils de bison.
Quand cette étrange femme fut proche jusqu’à la toucher, un des deux éclaireurs déclara:
Peinture originale de Marcine Quenzer
www.marcinequenzer.com
– Cette fille est toute seule. Sa beauté dépasse l’imagination. Je vais m’allonger avec elle.
– Mon frère, ne fais pas ça. Ce n’est pas une femme ordinaire. Tu ne vois donc pas qu’elle marche au-dessus du sol, sans que ses pieds touchent la Terre?
Mais l’autre refusa de l’écouter, et il tendit la main pour la toucher. Alors un nuage s’abattit sur lui, et quand il se dissipa, il ne restait du guerrier qu’un tas d’os.
Cette étrange femme s’adressa alors à l’autre éclaireur:
Ton ami avait des pensées impures, et il a été puni de son manque d’humilité. Je suis envoyée par la nation du bison, et j’apporte un message pour ton peuple, un message d’une extrême importance. Retourne dans ta tribu, et raconte-leur ce qui s’est passé. Demain, au lever du soleil, je viendrai jusqu’à votre camp. Dis au peuple que tout doit être prêt pour ma visite. Dis-leur de dresser un tipi spécial, dont la porte soit orientée dans la direction où le soleil disparaît le soir. Que le sol en soit parsemé de sauge. Avec trois bâtons, deux dressés, un couché, que l’on fabrique un râtelier, devant lequel on posera un crâne de bison. Veillez aussi à préparer un carré de terre soigneusement aplani. Que tout soit sanctifié. À présent, repars vers ton camp sans te retourner.
Le jeune guerrier suivit ces instructions. Il rapporta au chef Standing Hollow Horn ce qui était arrivée à son ami et les exigences de cette étrange femme. Avec l’aide de l’ensemble du peuple, le chef fit tous les préparatifs pour cette visite. L’eyapaha (le héraut) sillonna la camp pour demander à tous les hommes, femmes et enfants de se rassembler au lever du soleil pour souhaiter la bienvenue à cette femme wakan [sacrée]. Aux premières lueurs de l’aube, la Jeune Femme Sacrée apparut, dans la même tenue que la veille. Elle tenait au creux des mains la Ptechinchala Hulu Chanunpa, la pipe sacrée entre toutes, taillée dans l’os du jarret d’un jeune bison. Cette pipe n’était pas de fabrication humaine, mais c’est Wakan Tanka, le créateur, qui l’avait façonnée. Ptesan Win, femme Bison Blanc, car tel fut son nom désormais, marcha sur les brins de sauge répandu sur le sol en chantant:
Niya taninyan Mawani ye Oyate le Imawani, Na Hotaninyan Mawani ye Niya taninyan Mawani ye. Maluta le, Imawani ye. |
On voit mon souffle monter Et je marche Vers cette nation [du bison] Je suis en marche, Et On entend ma voix. Je marche. On voit mon souffle monter Et je marche. Cette chose rouge, sacrée, c’est pour elle que je marche. |
Ptesan Win pénétra dans la hutte préparée à son intention, où elle s’assit à la place d’honneur. Puis elle entama un chant.
Mettez cette pipe sacrée au centre. Adressez vos prières à Wakan Tanka, le Créateur. Cette pipe, c’est lui qui vous l’a offerte.
Elle se tourna vers l’ouest, dont la couleur est le noir, et leva la Pipe:
Je fais cette offrande aux Wakinyans, les Grands Êtres Ailés. Je leur adresse mes prières.
Puis elle se tourna vers la droite, en direction du nord, dont la couleur est le rouge, et leva la Pipe:
Au tourbillon, et à tout ce qui se déplace en cercle, au Vent et aux quatre directions sacrées, je fais offrande.
Elle se tourna vers l’est, dont la couleur est le jaune, pour présenter la Pipe:
Le soleil se lève, qui nous offre une nouvelle journée, qui rend grâce pour tout ce qui vit.
Elle se tourna vers le sud, dont la couleur est le blanc, en priant:
Je rends grâce au monde des Esprits, le monde qui se trouve au-delà.
Quand elle eut bouclé le cercle, elle leva la Pipe bien haut vers le ciel, pour prier et instruire le peuple:
Je suis vos cœurs. Nous ne formons qu’un, un peuple, un esprit. Nous sommes la nation du bison.
Puis elle chanta:
Je vous donne cette Terre,
Vous y marcherez d’un pas sacré.
Vous marcherez, en parfait équilibre avec Unchi,
Notre Grand-mère la Terre.
Je vous donne cette Pipe sacrée.
Avec elle vous prierez
Pour tout ce qui vit,
Pour les créatures qui marchent, qui volent,
qui nagent, et qui rampent.
S’adressant au peuple, elle ajouta:
Un jour, je reviendrai, et ce sera pour toujours. Alors commencera une nouvelle vie, et une nouvelle intelligence.
Le Chef Standing Hollow Horn s’adressa à la Jeune Femme Bison:
Ma sœur, tu es venue pour nous consoler en temps de détresse. Nous avons coutume d’offrir à manger à nos hôtes, mais nous sommes pauvres, et nous ne pouvons t’offrir que de l’eau.
Sur ces paroles, il plongea une tresse de wachanga, de la glycérie odorante, dans une corne de bison remplie d’eau de pluie, qu’il offrit à la jeune femme. Elle le remercia:
Tu n’aurais pu m’offrir de festin plus agréable.
Puis elle lui apprit à bourrer la Pipe de tabac sacré, à l’allumer à l’aide d’un morceau de bouse de bison rougie au feu, et à la fumer de la manière appropriée à une cérémonie.
Au peuple Lakota, elle donna les 7 rituels sacrés:
l’inipi ou Purification dans la loge à sudation
la quête de vision
la danse du soleil
la garde de l’esprit
l’Ishnati Alonwanpi, ou rite de la puberté des jeunes filles
l’Apparentement
et le lancer-de-Balle.
Aux hommes elle déclara:
Vous possédez la force. Vous devez protéger et agir avec bienveillance envers ceux qui sont sans défense, les femmes et les enfants. Vous devez partager votre nourriture avec ceux dont la faiblesse physique ou l’âge les empêche de subvenir à leurs besoins. Vous devez prier avec cette Pipe. Vous, les « Sans-arcs », vous avez été choisis pour recevoir ce présent, mais il appartient à toutes les nations rouges.
Aux femmes, Ptesan Win déclara:
Vous n’avez pas la force, mais vous êtes fortes. C’est votre force qui maintient l’unité de la famille. Vous qui donnez la vie, vous êtes le ventre de la nation. Vous aimez les enfants. Vous montrez de la bienveillance envers tout ce qui vit. Wakan Tanka vous aime.
Aux petits enfants, elle dit:
Vous êtes encore petits, mais vous allez grandir, pour devenir des hommes et des femmes, qui marcheront sur la voie de la Pipe, et transmettront cette étincelle à la génération suivante. Vous êtes bénis.
Quatre jours durant, Ptesan Win enseigna à tous à se comporter en êtres humains. Elle leur apprit tout ce qu’il devaient savoir. Quand elle eut achevé sa tâche, elle dit au peuple:
Je dois vous quitter à présent, mais si vous me suivez jusqu’au sommet de cette colline, là-bas, vous n’aurez plus faim.
Et elle se mit en route vers l’est, suivie, à distance respectueuse, par l’ensemble du peuple, qui était à la fois très impressionné et reconnaissant envers cette sainte femme. Quand elle fut sur la colline, elle se changea en jeune bison blanc, avant de lentement disparaître. Alors, le peuple eut la certitude qu’elle était envoyée par Wakan Tanka. Quand ils atteignirent le sommet de la colline, ils virent, de l’autre côté, un troupeau de bisons prêts à offrir leur chair afin que la nation puisse vivre.
Source : /www.spirit-science.fr/