Une pomme des années 50 correspond à 100 pommes d’aujourd’hui. Aujourd’hui, on mange de plus en plus pour se nourrir de moins en moins.
Amélie Mougey, journaliste
Pommes d’aujourd’hui « toutes parfaites »
Alors que, dans les pays développés, nos apports en calories augmentent, la majorité des aliments non transformés que nous consommons – fruits, légumes et céréales – sont vides sur le plan nutritionnel.
Une dizaine d’études d’universités canadiennes, américaines et britanniques, publiées entre 1997 et aujourd’hui, révèlent une baisse catastrophique de la concentration en nutriments dans nos aliments.
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Ces travaux, résumés dans l’étude « Still No Free Lunch » [PDF] de Brian Halweil, chercheur au Worldwatch Institute, confirment l’essor des « calories vides » : grasses, sucrées, mais sans intérêt pour notre santé.
Même dans les aliments réputés sains, vitamines A et C, protéines, phosphore, calcium, fer et autres minéraux ou oligo-éléments ont été divisés par deux, par 25, voire par 100, en cinquante ans.
Aujourd’hui, pour absorber les nutriments d’un fruit ou d’un légume des années 50, il faudrait en manger une demi-cagette !
Pommes d’aujourd’hui
Vitamine C : une pomme des années 50 = 100 pommes aujourd’hui
Avant, lorsque nos grand-parents mangeaient une pomme, ils avaient 400 mg de vitamine C, indispensable à la fabrication et à la réparation de la peau et des os. De nos jours, les supermarchés nous vendent des bacs de Golden standardisées, qui ne nous apportent que 4 mg de vitamine C chacune. Soit cent fois moins.
Philippe Desbrosses, docteur en sciences de l’environnement à l’université Paris-VII et militant pour la préservation des semences anciennes, déplore :
« Après des décennies de croisements, l’industrie agroalimentaire a sélectionné les légumes les plus beaux et les plus résistants, mais rarement les plus riches sur le plan nutritif. »
Vitamine A : une orange des années 50 = 21 oranges d’aujourd’hui
La vitamine A est très importante pour notre vue et nos défenses immunitaire, malheureusement elle est en chute libre dans 17 des 25 fruits et légumes scrutés par des chercheurs canadiens dans une étude synthétisée pour CTV News [PDF].
Elle a totalement disparu de la pomme de terre et de l’oignon. Il y a cinquante ans, une seule orange couvrait la quasi-totalité de nos besoins quotidiens – les fameux AJR (apports journaliers recommandés) – en vitamine A.
Désormais, il faudrait en manger 21 pour obtenir la même quantité de la précieuse vitamine. De même, une pêche des années 50 correspond à 26 pêches aujourd’hui.
Calcium : quatre fois moins dans le brocoli
Tandis que ce chou venu du sud de l’Italie contenait 12,9 mg de calcium – allié de la construction osseuse et de la coagulation du sang – par gramme en 1950, ils n’en renfermait plus que 4,4 en 2003, selon une étude de l’université du Texas, soit quatre fois moins.
Si vous comptiez sur lui pour compenser la carence en fer de votre steak, c’est également raté. Il vous faudrait en mettre six fois plus dans la soupe pour obtenir les mêmes bienfaits qu’avant. Sur les 25 légumes étudiés par l’équipe de recherche canadienne, 80% ont vu leur teneur en calcium et en fer décliner.
Fer : il y en a deux fois moins dans la viande
Au début de la chaîne, il y a la céréale. Blé, maïs et soja sont désormais plus pauvres en zinc, en cuivre et en fer qu’il y a cinquante ans. Appauvries par des décennies d’agriculture intensive et de sélections variétales, ces céréales réapparaissent dans l’auge de nos bêtes, qui, par répercussion, se trouvent moins bien nourries que leurs ancêtres.
En bout de chaîne, l’animal devenu steak apportera moins de micronutriments dans nos assiettes. C’est l’effet domino identifié par le chercheur américain David Thomas. Dans son étude publiée dans la revue Nutrition & Health, il remarque qu’à poids égal, un même morceau de viande apporte deux fois moins de fer qu’il y a cinquante ans.
Autre dommage collatéral : le lait « a perdu ses acides gras essentiels », déplore Philippe Desbrosses. Des acides essentiels à nos membranes cellulaires, notre système nerveux et notre cerveau. Naturellement présents dans l’organisme en très petite quantité, ils doivent nous être apportés par l’alimentation.
Le bio est-il une solution ?
Les facteurs de ce déclin sont nombreux. Des sols plus pauvres, des végétaux cueillis trop tôt, des traitements de conservation plus fréquents, des croissances plus rapides dopées par les engrais et une réduction du nombre de variétés, sélectionnées pour leur résistance aux parasites et leur rapidité de croissance…
«Pour le maïs, le blé et le soja, plus le rendement est important, plus le contenu en protéines est faible », note Brian Halweil, dans son étude. Même schéma pour les concentrations de vitamine C, d’antioxydants et de bêtacarotène dans la tomate : plus les rendements augmentent, plus la concentration de nutriments diminue [PDF].
« L’agriculture biologique peut contribuer à inverser la tendance », déclare Brian Halweil dans son étude. De fait, à conditions climatiques équivalentes :
« Les aliments bios contiennent significativement plus de vitamine C, de fer, de magnésium et de phosphore que les autres. »
Il faut choisir des aliments mûrs
Mais le chercheur met en garde :
« Si les agriculteurs bios mettent en place un système riche en intrants avec des rendements comparables aux exploitations conventionnelles, le bio verra son avantage nutritionnel s’éroder. »
Si les produits bios sont cueillis avant maturité, au final ils seront moins riches en nutriments que des produits mûrs de l’agriculture traditionnelle. Seule stratégie pour remettre de la vie dans son assiette : consommer des aliments mûrs, produits de manière non intensive et partir à la chasse aux variétés oubliées.
Amélie Mougey
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