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La maltraitance psychologique est une force destructrice pour ceux qui ont vécu des abus ou de la négligence par le passé

négligence

De nombreux adultes qui consultent un psychologue présentent des symptômes découlant d’un manque de réponse adéquate de la part de leurs parents à leurs besoins. Certains ont survécu à des formes actives de maltraitance, telles que des abus sexuels, physiques ou psychologiques, ainsi que des négligences chroniques et sévères. Les abus physiques peuvent parfois être extrêmement violents, ressemblant à une forme de torture systématique.

La maltraitance psychologique, bien qu’elle ne laisse pas de marques visibles, est plus destructrice que la violence physique, et elle est souvent présente en parallèle à celle-ci. Elle constitue l’élément central de la maltraitance, selon Lecomte (2004). Il peut également s’agir de maltraitance passive, c’est-à-dire de négligence, où les parents n’ont pas été attentifs aux besoins de base, à la protection et à l’amour de l’enfant. Dans les deux cas, les besoins et les émotions des enfants n’avaient pas d’importance et n’étaient pas pris en compte.

Une forme particulière de négligence est vécue par les enfants « adultifiés », ceux qui ont dû assumer la responsabilité d’un parent malade ou d’un membre de leur fratrie (par exemple, une maladie physique ou des problèmes de santé mentale). Ils n’ont pas été considérés en tant qu’enfants, mais plutôt pour leur utilité. Les besoins d’un ou de leurs parents ont été privilégiés par rapport à leurs propres besoins. Ils ont dû développer une maturité précoce, se construire eux-mêmes et forger leur identité en l’absence d’adultes pour les guider.

Le véritable traumatisme sous-jacent à la maltraitance et à la négligence réside dans le fait d’avoir été abandonné, de ne pas avoir été protégé, de ne pas avoir été considéré comme important et de ne pas avoir compté. De nombreuses personnes qui ont survécu à la maltraitance affirment que la peur de l’abandon est plus douloureuse que la douleur physique ou morale. Souvent, les troubles anxieux ou les réactions dépressives trouvent leur origine dans cette peur de l’abandon.

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Pendant les étapes de grande vulnérabilité et de construction de soi de l’enfance, des événements traumatiques se produisent dans la vie de l’enfant. Ces événements répétés dépassent les capacités de l’enfant à protéger son bien-être psychologique et son intégrité. De même, la négligence peut compromettre le développement de l’enfant.

Certaines personnes ont des souvenirs très vifs des actes traumatiques de leurs parents. Pour d’autres, ces souvenirs refont surface à l’âge adulte, alors qu’ils avaient été oubliés. Ou encore, ces événements prennent un nouveau sens et sont reconnus émotionnellement comme étant abusifs ou négligents. Cependant, certains survivants de la maltraitance et de la négligence ne viennent pas consulter en raison de leur passé traumatique, car leur expérience infantile était ancrée dans une réalité quotidienne familière et considérée comme normale ; ils ne voient rien de remarquable à ce sujet. De plus, de nombreux clients n’ont jamais perçu leur famille comme ayant eu une influence néfaste sur eux. Certains ressentent un fort besoin de préserver une image positive de leurs parents, ce qui protège également leur propre image et leur identité. Ces clients sont préoccupés par leur humeur anxieuse ou dépressive, ainsi que par les difficultés qu’ils rencontrent dans leurs relations de couple. Ils souhaitent améliorer la régulation de leurs émotions et de leurs relations interpersonnelles.

Dans notre approche, nous répondons toujours aux besoins et aux préoccupations des clients tels qu’ils les expriment, sans chercher à les convaincre que la source de leurs difficultés réside dans leur passé traumatique. Notre objectif est de créer une relation de confiance et, à leur rythme, de les aider à identifier et à réguler leurs états émotionnels.

Nous accordons toujours une attention aux besoins et aux préoccupations exprimés par nos clients, sans chercher à les convaincre que la source de leurs difficultés réside nécessairement dans leur passé traumatique. Notre objectif est de créer une relation de confiance et, à leur propre rythme, de les aider à identifier et à réguler leurs états émotionnels.

Voici quelques impacts fréquents d’un passé marqué par des abus ou de la négligence :

  • Difficultés dans la régulation des émotions : les personnes peuvent éprouver des difficultés à gérer leurs émotions, ce qui peut se traduire par des variations intenses et imprévisibles de l’humeur, une sensibilité accrue au stress, des accès de colère ou une tendance à s’isoler émotionnellement.
  • Évitement des émotions pénibles par la dissociation, la consommation ou la compulsion : certaines personnes peuvent développer des mécanismes d’évitement pour faire face aux émotions douloureuses, comme la dissociation (se sentir déconnecté de ses propres émotions), la recherche de substances ou de comportements compulsifs pour engourdir ou fuir les émotions désagréables.
  • Mauvaise estime de soi : les personnes ayant vécu des abus ou de la négligence peuvent développer une estime de soi altérée, se percevant souvent de manière négative, avec des sentiments de honte, de culpabilité ou d’indignité.
  • Difficultés dans les relations interpersonnelles : les expériences traumatiques passées peuvent influencer la manière dont les individus interagissent avec les autres. Cela peut se manifester par des problèmes de confiance, une tendance à s’isoler, des difficultés à établir et à maintenir des relations saines, ainsi que des schémas répétitifs de relations toxiques.

Il faut noter que ces symptômes de base sont généraux et que toutes les personnes ayant vécu des abus ou de la négligence ne présentent pas nécessairement tous ces symptômes, et ils peuvent varier en termes de sévérité d’une personne à l’autre.

Difficultés dans la régulation des émotions

L’histoire marquée par des abus ou de la négligence engendre des états persistants d’anxiété, de colère ou de dépression chez les individus. Ces personnes sont souvent confrontées à des états chroniques de détresse émotionnelle intense, où les émotions sont ressenties comme des vagues avec des pics d’intensité. Les clients déclarent : « J’éprouve soudainement des émotions très pénibles, je ne sais pas d’où elles viennent, je ne sais pas pourquoi je les ressens et je ne sais pas comment m’en débarrasser. » Même lorsqu’ils traversent des périodes où les émotions sont atténuées, ils affirment qu’elles restent toujours présentes, prêtes à ressurgir à tout moment.

Chez certaines personnes, il peut y avoir un sentiment de « catastrophe imminente ». Leur niveau de stress et d’anxiété reflète l’énergie qu’ils doivent déployer pour éviter un danger imminent. Chaque expérience négative dans leur vie professionnelle ou personnelle renforce leurs craintes chroniques. La peur de l’abandon peut représenter une forme intense de cette appréhension catastrophique, qui peut être plus terrifiante qu’une menace externe telle qu’une agression, comme certains clients nous l’ont exprimé.

Lorsque l’enfant a vécu des agressions et des menaces, cela a créé un état constant de vigilance et de défense.

Les interactions au sein de la famille ont conditionné l’enfant à se concentrer sur les dangers et la survie plutôt que sur l’apprentissage. Il a appris à éviter les dommages plutôt qu’à s’ouvrir à de nouvelles expériences. À l’âge adulte, ces individus ont conservé cet état de vigilance, même s’ils n’en ont plus besoin. Ces réactions d’alerte surgissent sans raison apparente et sont associées à plusieurs symptômes d’angoisse et de panique.

Leurs réactions face à la menace sont rapides et automatiques, impliquant les parties primitives du cerveau, comme l’amygdale, et négligeant les parties du cerveau impliquées dans des processus plus complexes. Ces réactions de survie se produisent de manière pré-consciente et en une fraction de seconde. Les clients se plaignent souvent de ne pas pouvoir contrôler leurs émotions, et les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale confirment que les expériences traumatiques de l’enfance laissent une empreinte dans le cerveau. Lorsque les clients décrivent leurs réactions comme automatiques, similaires à un réflexe, ils ont raison, car c’est effectivement le cas. Cependant, les recherches démontrent également que le cerveau est très malléable et que ces réflexes peuvent être désappris.

Certains enfants ont réagi en apprenant à faire face au danger, mais ont également appris à étouffer leurs émotions. Certains survivants d’abus ont développé une sorte d’anesthésie émotionnelle, parfois perçue par leur entourage comme un manque d’empathie. Cependant, ils ont d’excellentes capacités de résolution de problèmes et sont très performants dans leur au travail, leur enfance leur a appris qu’ils devaient se débrouiller seuls.

D’autres personnes ont appris à ressentir leurs émotions, mais elles ne savent pas comment y faire face. Elles sont constamment envahies par la peur et l’insécurité, se sentent démunies, et sont ainsi exposées au risque de dépendance affective et d’exploitation, car elles recherchent des personnes qui pourraient les sécuriser.

Une autre émotion très significative, souvent négligée, est la honte, une honte paralysante qui est souvent liée à la peur. Les personnes se méprisent elles-mêmes. C’est une émotion puissante qui n’est pas toujours exprimée spontanément, mais qui est le reflet émotionnel d’une faible estime de soi, que nous aborderons plus en détail par la suite.

Notre priorité est d’aider les clients à renforcer rapidement leurs capacités à identifier leurs émotions intenses et à les réguler, plutôt que de chercher à les éviter. Il existe plusieurs techniques que nous proposons pour aider les individus à moduler et réguler leurs émotions, parfois à travers des exercices qu’ils peuvent faire chez eux.

Pour favoriser l’expérience de ressentir et de nommer les émotions, nous demandons par exemple aux personnes d’écrire ce qu’elles ressentent plutôt que de les exprimer ou de les fuir. Par exemple, nous pouvons suggérer de réduire un comportement compulsif et d’écrire ce qui est ressenti. Tenir un journal des émotions ou rédiger une lettre à un proche (parent abuseur, ex-conjoint, etc.), sans toutefois l’envoyer, sont d’autres moyens.

Évitement des émotions

Lorsque les émotions deviennent trop pénibles, les personnes cherchent souvent à les éviter de différentes manières. Cependant, les recherches et l’expérience clinique démontrent clairement que tenter d’éviter les émotions produit l’effet inverse, car la suppression accroît les affects négatifs et augmente l’activation physiologique. Le fait de supprimer ou d’éviter les pensées, les sentiments ou les comportements a pour conséquence que ce qui est supprimé devient intrusif et prend une tournure négative. En somme, plus on essaie de fuir ou de supprimer les émotions, plus elles s’amplifient. Il est donc nécessaire de les affronter.

C’est pourquoi, lorsque les clients se sentent prêts, nous leur demandons de se laisser submerger par les états de panique, de détresse ou de honte. Il est essentiel d’établir une relation de confiance solide afin que les personnes se sentent suffisamment en sécurité pour accepter de faire quelque chose qui va à l’encontre de leur nature. Nous comprenons que ce que nous leur demandons est très difficile, mais nous sommes là à leurs côtés et nous leur assurons qu’il ne leur arrivera rien de mal. Parfois, nous utilisons la métaphore de flotter sur le dos dans un courant puissant de rivière. C’est effrayant, mais nous sommes sur la rive et nous les accompagnons. Provoquer de façon délibérée un accroissement de la détresse signifie que l’on est un peu plus en contrôle de ses émotions au lieu de les subir contre sa volonté.

Il faut noter que si l’on peut accroître délibérément le malaise, on peut aussi accroître délibérément le bien-être. Ainsi, nous aidons les clients à identifier les activités qui les font se sentir bien (comme la marche, la musique ou l’activité physique) et nous les encourageons à les pratiquer régulièrement afin de développer le réflexe de s’auto-apaiser (self-soothing). Lorsque les clients ont du mal à identifier de telles activités, nous pouvons utiliser la technique de visualisation dirigée qui crée un monde imaginaire propice au bien-être.

Une fois qu’ils ont progressivement acquis la capacité à réguler leurs émotions et à générer eux-mêmes des états de bien-être intérieur, les clients sont prêts à remplacer les émotions de peur, de colère ou de honte par la tristesse, qui est une émotion normale.

Voici comment les clients cherchent à éviter leurs émotions :

Amnésie

L’amnésie correspond à l’absence de souvenirs des événements traumatiques d’abus ou de maltraitance. Il n’est pas rare que les clients aient refoulé ces souvenirs de leur mémoire, mais ils peuvent réapparaître de manière imprévisible (flashbacks), par exemple à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine. L’amnésie est un mécanisme de protection qui a permis au client d’éviter de ressentir des émotions trop pénibles susceptibles de menacer son équilibre psychologique. Nous respectons cette fonction de protection et ne poussons jamais les clients à récupérer ces souvenirs. Notre priorité est de préserver leur fonctionnement psychosocial. Il n’est pas recommandé de recourir à des méthodes particulières, comme l’hypnose, pour faire revenir les souvenirs à la mémoire, car cela pourrait créer de faux souvenirs, en particulier si les événements ont eu lieu durant la petite enfance (à l’âge de 4, 5 ou 6 ans).

Étant donné que ces souvenirs sont étroitement liés aux émotions, il est prudent d’attendre que les souvenirs remontent naturellement à la surface à mesure que les clients apprennent à exprimer leurs émotions.

Dissociations

La dissociation, telle que nous la définissons, correspond à l’absence de conscience à l’égard des gestes posés. Les clients sont souvent surpris lorsque leurs proches leur décrivent des comportements dont ils n’ont aucun souvenir ; cela peut leur donner l’impression d’être fous. Cependant, la dissociation est un mécanisme de protection normal contre des émotions extrêmement pénibles. On peut faire l’analogie avec un fusible qui saute, interrompant le courant électrique pour éviter une surcharge.

Ce mécanisme de protection peut parfois s’étendre, tel une tâche d’huile, à d’autres aspects de la vie et prendre diverses formes :

  • Diminution de la conscience de l’environnement immédiat ;
  • Dépersonnalisation, détachement, observation de la vie de l’extérieur ;
  • Plongée dans un monde de fantaisie (imagination) très absorbant ;
  • Fugues, c’est-à-dire se retrouver à un endroit sans se rappeler comment on y est arrivé ;
  • Sensation d’être divisé en parties.

Il est important de souligner que la dissociation est toujours précédée par une émotion très pénible que l’on cherche à éviter.

Les compulsions, quant à elles, sont des façons d’agir plutôt que de ressentir l’émotion.

Elles peuvent prendre diverses formes, telles que des comportements répétitifs liés à la propreté, des épisodes de boulimie ou d’autres manifestations. Chez certains clients, la compulsion peut se manifester sous la forme d’une jalousie excessive, où les comportements et attitudes du partenaire sont faussement interprétés comme des menaces de rejet. La peur insupportable de l’abandon, déclenchée par un délai de réponse du partenaire à leurs appels ou messages, est évacuée par des appels téléphoniques ou des messages répétés. Ces comportements de harcèlement visent à éviter la détresse émotionnelle, mais ils conduisent souvent à des ruptures de couple.

Consommation

La consommation de substances est parfois utilisée par les survivants de maltraitance et de négligence comme une méthode inadéquate pour échapper aux émotions pénibles. On qualifie cela d’auto-médication, car la drogue ou l’alcool permet de temporiser ces émotions. Cependant, bien que la consommation puisse produire un soulagement à court terme, ses effets indésirables s’accentuent avec le temps et les effets positifs s’estompent rapidement.

Notre approche consiste à encourager les individus à retarder ou à réduire leur consommation plutôt que de prôner l’abstinence immédiate. Nous les invitons ensuite à explorer, avec curiosité, l’incident récent qui a déclenché leur besoin de consommer, en examinant son contexte, ainsi que l’intensité de leur angoisse à ce moment-là.

Auto mutilation

L’automutilation, telle que se taillader les poignets, est également utilisée par certaines personnes pour éviter des émotions pénibles, car ces gestes déclenchent la libération de dopamine, procurant ainsi une sensation apaisante. Cependant, il est essentiel d’apprendre à tolérer la détresse plutôt que de recourir à ce mécanisme d’évitement.

Ces comportements d’action permettent une évacuation temporaire de l’anxiété et de la détresse, mais ils sont potentiellement nuisibles, dangereux et autodestructeurs à long terme pour les clients. Ils se sont développés, en partie, parce qu’on ne leur a pas enseigné d’autres méthodes plus fonctionnelles pour réguler les émotions pénibles, et ils persistent car les clients ne connaissent pas d’autres moyens de soulagement immédiat.

Mauvaise estime de soi

Une faible estime de soi est presque universelle chez les adultes ayant survécu à la maltraitance ou à la négligence. Ils éprouvent une culpabilité et une honte chroniques, ainsi qu’un sentiment de n’avoir aucune valeur, d’être mauvais et de ne pas mériter l’attention des autres. Ils sont constamment enclins à s’auto-blâmer et à se sentir responsables des difficultés professionnelles ou des problèmes dans leurs relations de couple. Ils peuvent même croire qu’ils méritent ce qui leur arrive. Leur dialogue intérieur répète les critiques et les blâmes entendus pendant leur enfance, les décrivant comme inférieurs, stupides, paresseux ou sans valeur. Certains se perçoivent comme des individus endommagés, handicapés ou souffrant de troubles mentaux, tandis que d’autres remettent en question leur droit d’exister.

Il est extrêmement difficile de corriger de telles fausses croyances négatives à propos de soi. De plus, la famille n’a souvent pas appris à ces individus à exercer une réflexion critique, ce qui contribue à leur incapacité à faire confiance à leur propre jugement ou à leur besoin excessif de plaire et de se conformer. Nous pouvons progressivement identifier ces fausses croyances ensemble, les remettre en question et les aider à développer un regard différent sur eux-mêmes.

Pour contrecarrer cette auto – dévaluation, nous pouvons mettre en évidence les impacts positifs d’une enfance d’abus.

Les compétences

Les individus ayant survécu à la maltraitance ne présentent pas seulement des symptômes ou des handicaps. Ces symptômes peuvent plutôt être considérés comme des réactions normales à des situations anormales. Leurs réactions d’adaptation et de survie étaient appropriées et les seules options disponibles à l’époque. L’abus n’est pas simplement un symptôme, mais une expérience de vie.

L’expression « Survivants adultes de la maltraitance » met l’accent sur la cause et sur les forces, ce qui est l’un des objectifs du traitement. La résilience est souvent mentionnée comme l’une des caractéristiques des survivants adultes ayant vécu une enfance marquée par des mauvais traitements ou de la négligence. Ces personnes ont développé une capacité d’endurance exceptionnelle face à des expériences stressantes. Par exemple, certaines peuvent tolérer un environnement de travail si difficile que leurs collègues finissent par partir, épuisés. D’autres peuvent faire preuve d’une absence de peur dans des situations menaçantes qui font fuir les autres. Beaucoup ont acquis une détermination qui les pousse à surmonter les obstacles pour atteindre leurs objectifs professionnels, et leurs amis et collègues sont impressionnés par leur force de caractère. Certains ont développé une grande adaptabilité, leur permettant de faire face à toutes sortes de situations diverses.

Les personnes qui ont appris à survivre aux humeurs explosives et imprévisibles de leurs parents ont développé une intuition extraordinaire et une grande capacité à ressentir les émotions des personnes qui les entourent. Elles n’avaient pas d’autre choix que de développer ce « radar » intuitif, car leur survie en dépendait et elles devaient anticiper ces humeurs. Les enfants qui ont dû prendre soin de leurs parents sont appréciés à l’âge adulte pour leur grande empathie, leur préoccupation pour le bien-être des autres et leur capacité à les soutenir.

Un vieux dicton dit que les épreuves de la vie qui ne nous tuent pas nous rendent plus forts. Cependant, malgré leur force de caractère et leur résilience, cela ne signifie pas que les personnes ayant vécu un stress traumatique prolongé durant leur enfance sont libérées de la souffrance intérieure.

Parfois, nous encourageons les clients à mettre à jour leurs compétences en passant à l’action. Par exemple, pour ceux qui ont été constamment rabaissés et invalidés dans leur enfance, nous pouvons recommander de s’engager dans du bénévolat, sachant que leurs qualités y seront reconnues.

Relations interpersonnelles intimes

Bien que de nombreux clients aient réussi professionnellement, ils rencontrent souvent de grands problèmes dans leurs relations intimes. Il peut y avoir un contraste frappant entre leur succès professionnel et leurs difficultés dans les relations de couple. Beaucoup reproduisent, à différents degrés, des schémas de relations abusives. Par exemple, certaines femmes se retrouvent constamment dans des relations avec des hommes qui les dévalorisent, les diminuent et attaquent leur estime de soi.

L’impact le plus néfaste se produit lorsque les figures parentales étaient à la fois une source de soutien et d’abus. L’amour et la protection étaient toujours accompagnés d’abus, ce qui a conduit ces individus à tolérer et à accepter des relations intimes abusives. Certains enfants ont vécu des expériences qui ressemblent à un conditionnement, où ils étaient constamment soumis à la même séquence d’événements. Par exemple, un parent pouvait répondre aux besoins affectifs de l’enfant en le chouchoutant, pour ensuite lui infliger des douleurs physiques ou psychologiques. Pour ces personnes, leur expérience infantile les a conditionnées à associer l’amour et l’abus, de sorte qu’elles s’engagent dans des relations amoureuses abusives, car pour elles, l’amour fait mal.

Les abus ont pour effet d’accentuer chez l’enfant le besoin d’affection, de sorte qu’à l’âge adulte, il sera prêt à tout faire pour obtenir ne serait-ce qu’un petit signe d’attention, même au prix de subir des abus.

D’autres personnes éprouvent une méfiance chronique, une peur de l’abandon ou une insensibilité émotionnelle. Elles abordent leurs difficultés conjugales comme un problème à résoudre, de la même manière qu’elles le feraient dans leur travail. Elles ne comprennent pas et ne savent pas comment réagir lorsque leur partenaire leur demande d’exprimer leurs émotions. Il n’est pas rare que des femmes amènent leurs conjoints en thérapie de couple, se plaignant de leur manque d’empathie. Ces conjoints se sentent désemparés, car ils ne savent pas comment devenir empathiques.

Toutefois, certains individus, malgré les abus et la maltraitance, ont conservé un instinct qui les pousse à choisir des partenaires aimants, solidaires et attentionnés à leur égard.

Dysfonctionnement en société

Au-delà des conséquences directement liées aux abus et à la négligence, il y a les effets de l’environnement familial désorganisé dans lequel les survivants ont grandi, et bon nombre des difficultés qu’ils rencontrent sont attribuables à ce contexte familial dysfonctionnel. Ce contexte familial est souvent marqué par des conflits et une atmosphère chaotique.

En conséquence, les figures parentales ne leur ont pas enseigné l’affirmation de soi, la prise de décision, la capacité à reconnaître leurs émotions et à résoudre les conflits interpersonnels. De plus, ils ressentent souvent du désespoir, un sentiment de vide et d’absence de sens dans leur vie, ainsi que des problèmes d’identité et d’incertitude quant à qui ils sont.

Le client est conscient de ses lacunes en matière de développement et de ses difficultés sur le plan social. Il doit faire le deuil de ne pas avoir eu une enfance « normale » et également faire le deuil de l’absence d’un parent aimant et soutenant. En somme, il doit accepter, avec l’émotion naturelle de tristesse, de ne pas avoir été aimé et protégé. Ce processus de deuil amène une attitude de compassion envers soi-même, qui remplace l’autocritique.

Les relations avec la famille d’origine

Il est fortement déconseillé de chercher à régler ses comptes avec les parents qui ont commis des abus. Il est préférable de rompre ou de réduire les contacts. Une étude américaine menée par O’Connell Higgins (1994) auprès d’une quarantaine de personnes ayant été sévèrement maltraitées, mais qui fonctionnaient relativement bien, a révélé que toutes avaient rompu ou limité les contacts avec leur famille. Elles ont choisi de consacrer du temps à leurs propres besoins plutôt qu’au pardon, et ont préféré investir dans leur propre famille et leur épanouissement socio-professionnel. Rompre ou réduire les contacts avec la famille est une mesure de protection de soi, inscrite dans la démarche de prendre soin de soi et de s’apporter du réconfort.

Cet article rédigé initialement le 18 juillet 2014 a fait l’objet de quelques modifications en date du 22 avril 2016 et en 2023.

Pour aller plus loin :

Lecomte, J. (2004). Guérir de son enfance. Paris : Éditions Odile Jacob.

O’ Connell Higgins, G. (1994). Resilient adults : overcoming a cruel past. San Francisco: Jossey Bass Publishers.

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À propos des auteurs: Jérôme Guay, Ph.D., et Rébecca Ganem, M.Psy., sont tous deux psychologues au CCPE et ils travaillent en collaboration avec  Diane Uwanyirigira, M. Psy., psychologue.

Tous les trois offrent en équipe des services de psychothérapie et de counseling nottament à distance, en télépsychologie, auprès des adultes ayant vécu des expériences traumatisantes durant l’enfance.

Publié par Clément Artois

Clément a toujours été très empathique et possède de grandes capacités d'écoute, lorsque les gens ont besoin de conseils dans leurs relations, c'est toujours vers lui qu'ils se tournent.

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