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AIMER SANS S’OUBLIER
Dans une relation d’amour véritable, les deux personnes se sentent libres de s’exprimer et de s’épanouir. C’est ça, aimer sans s’oublier.
J’ai compris que je n’étais pas responsable de ce qui m’était arrivé dans mon enfance, que je n’étais pas responsable de mon conditionnement.
Je me souviens encore, comme si c’était hier, de l’état d’esprit dans lequel je me trouvais lorsque j’ai décidé de mettre fin au mariage qui me rendait misérable. J’étais remplie de stupéfaction. Comment était-il possible que je me sois oubliée à ce point dans cette relation de couple qui avait duré plus de douze ans ? Par quel processus mystérieux avais-je pu si complètement disparaître ?
J’avais l’impression que mon âme était en mille miettes et il m’apparaissait de la plus grande importance que je recolle tous les morceaux si je désirais arriver à être bien dans ma vie et avec les autres.
Lorsque j’ai réalisé de quelle façon j’avais participé à cette dynamique de couple, j’ai ressenti beaucoup de colère envers moi-même. Je m’étais trahi moi-même. J’avais vendu mon âme pour quelques miettes d’attention, pour me sentir socialement acceptable, pour me convaincre que je réussissais ma vie et pour réaliser, coûte que coûte, mon rêve d’avoir une famille. J’étais tombée dans le piège du «rêve américain». Et j’étais également tombée dans le piège de la conformité à tout prix. Triste constat.
Se pardonner à soi-même
Mais j’avais une bonne excuse: j’étais jeune et ignorante. Et j’étais aussi sous l’emprise de mon conditionnement et de mes schémas inconscients. Quand j’ai compris ça, j’ai commencé à être beaucoup plus gentille avec moi-même.
J’ai compris que je n’étais pas responsable de ce qui m’était arrivé dans mon enfance, que je n’étais pas responsable de mon conditionnement. J’ai aussi appris la formule magique pour arriver à me pardonner les erreurs du passé. Cette formule, je vous la transmets aujourd’hui avec grand plaisir:
Dans le passé, j’ai agi en fonction du niveau de conscience et de connaissance que j’avais à ce moment-là, j’ai fait de mon mieux avec le niveau de maturité que j’avais à ce moment-là.
Se pardonner à soi-même est définitivement un bon départ, mais ce n’est certainement pas suffisant pour arriver à recoller tous les morceaux et éviter que la situation ne se reproduise. Il faut apprendre de façon consciente à aimer sans s’oublier. Il faut désapprendre les schémas inconscients qui nous ont fait tomber dans le panneau dans le passé et en apprendre de nouveaux plus adéquats. Il faut apprendre à s’aimer suffisamment pour être capable de se mettre en priorité en toute circonstance.
On inflige la honte aux personnes qui décident de vivre une vie qui favorise leur bien-être et leur dignité.
Je sais, les poils vous dressent sur les bras lorsque vous lisez ces mots, car vous vous dites que se mettre en priorité, c’est trop égoïste, c’est narcissique et égocentrique. Ce type de jugement extrême est justement la source du problème: on inflige la honte aux personnes qui décident de vivre une vie qui favorise leur bien-être et leur dignité.
Mettre son masque d’oxygène en premier
Se mettre en priorité en toute circonstance ne veut pas dire que l’on pense uniquement à soi. Cela veut simplement dire que l’on prend en considération son propre bien-être et sa dignité en tout temps, tout en faisant de même pour les autres.
C’est exactement comme la directive d’urgence que vous recevez avant le décollage lorsque vous prenez l’avion: en cas de situation extrême, on vous recommande de mettre votre masque d’oxygène en premier, avant de vous occuper de vos enfants et des autres personnes autour de vous. Mettre votre bien-être et votre dignité en premier est quelque chose que vous faites autant pour les autres que pour vous-même.
Ne pas se mettre en priorité fait autant de tort à votre entourage qu’à vous-même.
Lorsque vous n’avez pas suffisamment d’air pour respirer, vous ne pouvez pas être la meilleure version de vous-même. Et lorsque vous ne pouvez pas être la meilleure version de vous-même, le monde ne peut pas bénéficier de tout ce que vous avez à offrir. Ne pas se mettre en priorité fait donc autant de tort à votre entourage qu’à vous-même.
Un dos fort et un devant tendre
Il y a une citation de l’auteur américaine Joan Halifax, qui est également enseignante en bouddhisme zen, qui résume très bien le travail nécessaire pour arriver à aimer sans s’oublier. La citation est la suivante:
«Trop souvent, notre supposée force provient de la peur et non de l’amour; plutôt que d’avoir un dos fort, beaucoup d’entre nous avons une armure sur le devant et un dos faible. En d’autres mots, nous nous déplaçons fragiles et sur la défensive. Si nous renforçons notre dos, métaphoriquement parlant, et développons une épine dorsale flexible et solide, alors nous pouvons prendre le risque d’avoir un devant tendre et ouvert, représentant la compassion inconditionnelle.»
Si le devant tendre fait référence à la compassion inconditionnelle, le dos fort, lui, fait référence à l’équanimité. Si ce mot est nouveau pour vous, l’équanimité fait référence à la «sagesse de l’égalité», à la capacité d’interagir avec les autres sur un même pied d’égalité.
Pour arriver à nous exprimer, il faut nous débarrasser de notre armure.
Pour arriver à vivre des relations d’égale à égale avec les autres, il faut avoir la capacité de mettre sa dignité et son bien-être en priorité en tout temps. Il faut arriver à s’exprimer et à se tenir debout lorsqu’une personne enfreint nos limites saines et ne prend pas en considération notre dignité, nos désirs, nos émotions ou nos besoins. Et pour arriver à nous exprimer, il faut nous débarrasser de notre armure.
Mais quelle est donc la différence entre une armure et une limite saine ?
L’armure est une barrière que nous avons construite pour nous protéger du rejet, de la confrontation ou de l’intimidation. C’est un blocage qui est basé sur la peur et qui diminue ou obstrue complètement la communication entre nous et l’autre personne.
La limite saine est une communication ouverte sur ce qui nous convient et ce qui ne nous convient pas. Elle est créée à partir d’un dialogue entre nous-mêmes et l’autre personne, en plus d’être basée sur l’amour : l’amour de soi et l’amour de l’autre.
Établir des limites saines implique de se mettre en état de vulnérabilité, ce qui crée une ouverture auprès de l’autre et crée donc un plus grand niveau d’intimité émotionnelle. En ce sens, établir des limites saines est un geste qui crée l’amour en nous et potentiellement chez l’autre. C’est un geste qui encourage la communication et l’approfondissement de la relation.
Devenir ninja des limites saines
Je ne vais pas vous raconter d’histoire, ça fait plus de 20 ans que je m’entraîne à établir des limites saines dans mes relations avec les autres et parfois, je n’y arrive pas. Mais j’aimerais bien, un jour, devenir une ninja des limites saines.
Je vais continuer à m’entraîner chaque fois que j’en ai l’occasion. Je vais continuer à combattre ma peur du rejet, de la confrontation et de l’intimidation. Lorsque nous nous donnons la permission de mettre notre bien-être et notre dignité en priorité, nous arrivons à recoller tous les morceaux de notre âme et à laisser l’amour véritable s’installer dans notre vie.
L’équanimité est une qualité essentielle à l’amour véritable. Vous ne devriez jamais avoir à vous oublier pour avoir de l’amour. Vous ne devriez pas devoir vous contracter, oublier vos rêves ou freiner vos désirs de croissance et d’épanouissement. Le succès d’une relation amoureuse ne devrait jamais se réaliser au détriment de l’une des deux personnes. Dans une relation d’amour véritable, les deux personnes se sentent libres de s’exprimer et de s’épanouir. C’est ça, aimer sans s’oublier.
Hélène Dion : https://quebec.huffingtonpost.ca/