Je t’aime. J’aime sans exiger que tu me répondes par un : « Moi aussi ! ».
J’aime sans te demander de témoigner un amour équivalent à celui qui me comble chaque fois que tu, après avoir lutté contre le poids de tes paupières, t’endors sur ma poitrine, bien avant le milieu du film.
J’adore quand ton visage est sans maquillage et, aussi, les nombreuses fois où tu te maquilles pour cacher tes cernes et empêcher qu’on se rende compte à quel point tu vis en travaillant durement.
J’aime quand c’est plus doux que le doux, cependant, mon amour ne diminue pas les jours où, à cause d’un cauchemar douloureux ou d’un réveil compliqué, tu te réveilles aigre comme du vinaigre de pomme, me forçant à grimacer et à plisser le front .
J’aime quand tes hormones sont équilibrées comme une professionnelle de la vie, mais j’aime aussi – et malgré la peur que je ressens de tes réactions indésirables – quand tu es à cet instant et, par conséquent, à deux pas des pleurs, des cris, des carences ou chocolat noir.
J’adore quand tu as les cheveux détachés, une robe fantaisie et des talons hauts, mais je t’aime tout aussi élégante quand tu décides de passer tout le week-end dans ton pyjama zèbre. Et échevelée comme si tu revenais d’une balade en cabriolet.
J’aime le visage satisfait que tu fais après quelques bouchées de mes pâtes, mais s’il te plaît, sache une chose : je ne cesse de t’aimer aux moments où tu regardes mes niguiris avec dédain, comme si j’allais me fourrer des coléoptères vivants dans la bouche. D’ACCORD?
J’adore quand tu regardes avec moi des films français dans lesquels la scène d’une feuille brune qui vole peut être classée comme « le summum de l’action », mais j’aime aussi les nombreuses fois où tu suggères : « On va regarder un film français aujourd’hui ? Je suis trop fatigué pour lire les sous-titres. Ou on peut regarder Amélie Poulain qu’en penses-tu ? ».
J’aime le courage dont tu fais preuve lorsque tu côtoies des rottweilers et la façon sauvage dont tu trembles lorsque tu aperçois une araignée, un cafard ou tout autre insecte volant.
J’aime la facilité avec laquelle tu arrives à raconter des histoires complexes à travers les émotions et la force incroyable que tu as pour prononcer le mot « perro » – qui signifie chien en espagnol.
J’aime tes longues boucles d’oreilles, qui touchent presque tes épaules, mais j’aime aussi ton oreille nue.
J’aime ta nudité qui parle franchement aux désirs de mon regard, mais j’aime aussi quand tu caches ta peau sous un manteau qui empêche tes bras de bouger, tes bottes à l’épreuve des escargots et une écharpe qui, bien qu’elle protège ta gorge, te démange le cou.
J’adore quand tu t’excites et chante faux : « Il pleut dehors et il fait si froid ici ». Mais j’aime aussi les minutes de silence que tu fais quand tu as envie de mettre du vernis sur tes ongles.
J’aime quand tu m’aimes à bout portant, frottant ton visage sur le mien et chuchotant des délices à mon oreille. Cependant, j’aime aussi quand tu m’aimes avec zèle ou de loin, qui me donne envie d’aller de l’avant et de laisser la nostalgie.
J’aime ton Yin et ton Yang, ton feu et ta glace…
En toi, à cause de l’amour que je ressens, j’aime même ce que je déteste chez les autres femmes.
Certains disent que l’amour nous aveugle, mais j’ai un avis légèrement différent : je pense que l’amour nous fait prêter plus d’attention à ce qui compte vraiment et nous fait arrêter de donner de l’importance aux choses sans importances.
Je t’aime. J’aime dans les joies et dans les peines, dans l’ordre et dans le chaos, dans le tapis moelleux et dans la boue. Car ceux qui n’aiment que le rire, sincèrement, n’aiment qu’à moitié. Et, pour moi, ce n’est de l’amour que s’il est entier, du doigt tordu au sourire infini, de la graisse du ventre à la tête, de ce qui réchauffe à ce qui pleut, sans arrêt et malgré les tempêtes.
Clément Artois pour Conscience