C’est une main douce et maternelle, qui sait, qui conforte, qui répare sans heurt, qui remet dans la juste place.
C’est un regard comme celui de la mère sur l’enfant naissant. C’est une oreille attentive et discrète, que rien n’effraie, qui ne juge pas, qui prend toujours le parti du bond chemin d’homme, où l’on pourra vivre même l’invivable.
Elle est ferme comme la bonne terre sur qui tout repose. On peut s’appuyer sur elle, peser sans crainte. elle est assez solide pour supporter la détresse, l’angoisse, l’agression, pour tout supporter sans faiblir ni dévier. Elle est constante comme la parole du père qui ne plie pas. Ainsi est-elle le lieu sûr où je cesse d’être à moi-même frayeur.
C’est pourquoi c’est sottise de la croire faiblesse. Elle est la force même, la vraie, celle qui fait venir au monde et fait croître. L’autre, celle qui détruit et tue, n’est que l’orgie de la faiblesse.
Mais la divine douceur sauve tout, elle veut tout sauver. Elle ne désespère jamais de personne. Elle croit qu’il y a toujours un chemin. Elle est inlassablement inlassable à enfanter, soigner, nourrir, réjouir et conforter.
La divine douceur est charnelle, elle est du corps.
Elle ne se passe pas en idées et discours, en décisions, en états d’âme. Elle ne se soucie pas d’exhorter ou d’expliquer.
Elle est dans les mains, le regard, les lèvres, l’oreille attentive, le visage, le corps entier. Elle est dans les gestes du corps. Elle est l’âme aimante du corps agissant. Elle est la beauté aimante du corps humain.
La divine douceur est sans preuve. Elle ne se donne pas par des arguments, des explications, des justifications. Elle paraît naïve et désarmée devant le soupçon ; en fait, elle y est indifférente.
Car elle se goûte.
Pourquoi divine ? parce qu’elle ne serait pas humaine ? C’est tout l’inverse : elle est divine d’être humaine, entièrement humaine en vérité.
Elle est l’amour d’amitié. Elle est l’amour par-delà l’amour, parce qu’elle ne cherche ni preuve, ni satisfaction, ni possession, ni rien de semblable. Elle ne se donne pas par devoir, mais par goût. Elle ne sait même pas qu’elle se donne. Elle est d’un naturel exquis.
Elle peut se faire service, et de mille façons. Mais elle est d’abord elle-même, ô douceur divine, et ce don-là précède tous les autres.
Elle est présence, elle est hospitalité, elle est parole échangée. Elle est compassion. Elle est la discrétion même. Oh, qu’elle est désirable ! Elle est le sel de la vie.
Mais le moment où on le sait est celui de la douleur.
Maurice Bellet, « L’épreuve, ou le tout petit livre de la divine douceur » (DDB – 1988)