Des personnes essayeraient de mettre au point un système de transfert complet des données du cerveau vers un support numérique. Un moyen de concevoir l’immortalité ?
Le Dr. Hannah Critchlow travaille au département des sciences neurologiques de l’Université de Cambridge. Un jour, elle s’est adressée au public lors du Hay Festival au pays de Galles. Selon elle, il serait possible de vivre à l’intérieur d’un ordinateur à condition de transcoder les données cérébrales humaines et de les transférer dans une machine capable de reproduire les 100 milliards de milliards de connexions que notre cerveau possède.
Les gens pourraient vivre à l’intérieur d’une machine. C’est une possibilité. Nous possédons 100 milliards de cellules nerveuses, et une « carte-mère » infiniment complexe. Dr. Hannah Critchlow, du département des neurosciences de Cambridge
Elle a notamment balayé l’idée reçue selon laquelle nous n’utiliserions que 10 % de notre cerveau, expliquant que le cerveau travaille en permanence avec certaines zones en mode « veille », qui ne sont activées que lorsque c’est nécessaire, dans le but de ne pas gaspiller d’énergie. Notre cerveau a beau ne peser que 1,5 kg et constituer environ 2 % de notre masse corporelle, il utilise « 20 % de notre consommation énergétique globale ».
Elle a confirmé que les deux hémisphères du cerveau étaient différents, et qu’il existe des preuves qui confirment que les gauchers sont plus créatifs que les droitiers. On sait que l’hémisphère droit du cerveau, plus actif chez les gauchers, est lié à la créativité. Des études récentes ont démontré que la pensée créative pouvait être améliorée de façon externe à l’aide de dispositifs spéciaux qui stimulent cette partie du cerveau.
Des applications bénéfiques
S’il était effectivement possible transférer des données cérébrales sur un support externe, comme une sauvegarde, cela impliquerait que l’on soit suffisamment familiers avec la complexité de notre système cérébral pour traiter des maladies dégénérescentes telles que la maladie d’Alzheimer ou Parkinson, ou bien des accidents de la vie (accidents de la route, accident du travail, etc.). Ce qui constituerait une avancée appréciable de la science dans le domaine médical, et la fin d’un long calvaire pour les patients dont le cerveau est atteint. Cependant, cela ne traiterait que les conséquences, pas les causes (pollution, industrie alimentaire…).
D’autre part, souvenons-nous que le soleil est une étoile, et qu’un jour, il explosera ou s’éteindra. Et la Terre avec. Si l’Homme est encore de ce monde lorsque cela se produira, il a tout intérêt à avoir parcouru l’espace à la recherche d’une nouvelle Terre d’adoption. Un écosystème flambant neuf sur lequel il serait possible de rebâtir sur des bases plus saines une nouvelle humanité. Et pour accomplir cette authentique épopée, l’Homme aura besoin de temps. L’immortalité numérique pourrait être un allié précieux dans cette quête, à condition d’avoir résolu le soucis du support matériel organique lorsque les données sauvegardées devront faire le chemin inverse. Un soucis qui sera abordé plus bas dans l’article.
Des soucis éthiques et des risques non-négligeables de mauvais emploi
Dans les lignes qui suivent, nous allons envisager des scénarii qui vont du possible à l’improbable, à la limite de la science-fiction. Et c’est à la fois logique et légitime, puisque nous nageons en pleine science-fiction avec cette hypothèse d’immortalité. Par ailleurs, les savants et autres érudits d’autrefois ont émis les hypothèses les plus folles sur notre époque, parfois à tort, parfois à raison.
Et d’ailleurs, en bons cerveaux malades que nous sommes (dixit Patrick Cohen, éminent neurologue avant-gardiste et professeur émérite en neuropsychiatrie à l’Université de Mont-Cuq-sur-La-Commode), on va se l’avouer : sortir des sentiers battus et gambader à toutes enjambées (et épaulées !) dans les champs de la folie, on adore ça ! Mais revenons-en à nos cerveaux…
L’immortalité numérique
Il va de soi que le transfert des données (souvenirs, mouvements innés ou acquis, etc.) ne garantit en rien le transfert de ce qui fait de nous des êtres humains : la conscience de soi ou l’âme. Imaginons une seconde que l’être humain ait accompli l’épopée dont il est question plus haut.
Quelle immortalité serait-ce donc s’il n’y a personne pour la vivre ? Qui double-clique sur les programmes qui sont les nôtres depuis toute une vie ? Qui a accès à nos données ? Et dans quel monde vivrons-nous ? Serons-nous encore des Hommes ou éternellement des robots ?
Mais surtout, dans le cas où, miraculeusement (du point de vue de l’Homme bien entendu), l’Homme redevient le centre de ce nouvel univers, qui interdira les spectacles de Dieudonné ? Faut penser aigle, les mecs !
Comme d’habitude lorsqu’un projet nous est présenté comme utopique, il va de soi que la dystopie n’est pas bien loin.
L’éthique
La mise au point d’une technologie de cette trempe signifie non seulement que nous soyons en mesure de copier des données vers un support matériel, mais également que nous sachions ce que nous copions. Cela requiert une connaissance intégrale du moindre octet de notre cerveau. La vie privée en prend un sacré coup !
Par ailleurs, s’il est possible de transférer des données que nous comprenons intégralement, n’est-il pas possible, dès lors, de modifier ces données ? Une telle reprogrammation serait un outil redoutable de manipulation des esprits. À notre humble échelle d’humains du 21e siècle, nous sommes certes manipulables et manipulés à tour de bras (par les médias de masse, notamment), mais cela reste du pipi de chat comparé à un projet de cette ampleur. Imaginez une France où, au lieu de 4 millions, ce sont bel et bien 66 millions de Charlie qui défilent et qui sont absolument d’accord avec Caroline Fourest et BHL ?
L’épineux soucis philosophique ou religieux
Depuis très longtemps, l’Homme s’est posé des questions son environnement, son existence, le sens de la vie et bien évidemment, ce qu’il y a après.
Toutes ces questions ont été abondamment abordées au sein des plus grands courants religieux de l’Histoire, en passant par les religions monothéistes abrahamiques, les spiritualités asiatiques, les croyances païennes, l’astrologie, etc.
On remarque notamment que les civilisations qui ont perduré avaient généralement un rapport très étroit avec le Divin, l’Éternel. Ce qui est somme toute logique, puisque la croyance est l’un des aspects sociétaux fondamentaux qui peuvent galvaniser les troupes, les peuples, et leur donner les références morales et sociales nécessaires à leur prospérité sur le long terme. Bien entendu, il s’agit-là d’un seul facteur, l’Homme restant un être imparfait. Chaque société a donc connu un déclin plus ou moins important, pour des raisons variées.
Quoi qu’il en soit, le point commun de tous ces systèmes de croyance est qu’ils accordaient un caractère sacré à la vie et à la mort. Selon les croyances, l’âme retourne auprès de l’éternel ou se réincarne dans une nouvelle vie, à la recherche de la paix éternelle, pour clore un cycle. L’idée générale étant de s’améliorer pour être plus proche de l’éternité et de la paix.
Dans le cas que suppose cette immortalité numérique, non seulement l’âme ou la conscience de soi risque d’être perdue au sens propre (rien ne garantit son transfert effectif), mais également au sens figuré (la perdition). Car la recherche de l’immortalité dans ce bas monde est, en soi, un déni, un refus de suivre le cours naturel des choses. Qu’on le veuille ou non, on devra tous y passer… Et que l’on ait eu raison ou pas de croire en une entité divine, cela ne change rien au résultat final.
Conclusion
Pour toutes les raisons invoquées ci-dessus, il est bien évidemment préférable de tenter de résoudre les problèmes et de relever les défis qui se présentent à nous, ici et maintenant, que de chercher à atteindre l’immortalité matérielle.
Dans un but d’amélioration de soi et de notre société, il serait bon que chacun prenne, à l’occasion, le temps de se poser pour remettre en question l’existence, l’ordre pas si « naturel » des choses, et de se rapprocher de son intériorité. C’est ce qui fait de nous des êtres humains, et c’est ce qui nous différencie, par la force des choses, du modèle « robot-automate ».
https://youtu.be/RpzZu0m-pF8
https://youtu.be/yAJTQWbBXE4