Prends ma main.
Cinq doigts refermés autour des nôtres, c’est le plus beau cadeau du monde.
Cela nous préserve de la peur, de l’abandon, du doute.
Une main offerte, c’est un nouveau monde.
Deux bras ouverts, c’est le miracle.
Je te prêterai un peu de ma folie.
Enseigne-moi un peu de ta sagesse.
Un peu, mais pas trop.
Quand tu me verras raisonnable, si je le deviens jamais,
rends-moi, s’il te plaît,
un peu de ma folie.
Efface de ma vie les gestes inutiles, les gestes sans amour.
Il n’y a plus de gestes inutiles quand ils servent à la joie.
Tu es toi. Je suis ce que je suis.
Je ne troublerai pas ta musique intérieure.
Ne dis pas que je fais des fausses notes si je ne pense pas comme toi.
Mettons notre orgueil sur la paille.
Tâchons d’apprendre l’humilité.
Qu’importe les mots !
L’essentiel est bien au-delà des formules.
Ce que je t’offre aujourd’hui, c’est quelque chose que ni le temps, ni les rides
ni les infirmités ne pourront abîmer.
C’est mon cadeau à moi, le seul que je puisse t’offrir,
le seul que tu attends peut-être.
C’est le don de ceux qui ne peuvent vivre sans aimer.
Prends ma main.
Apprenons en ce jour le chemin qui mène à la tendresse.
AI
POESIE – 1981 : Simone Conduché, Joie, Les chemins de tendresse :
Prends ma main, ne la lâche pas. J’écouterai ce que tu veux me dire. Si tu préfères te taire, j’entendrai ton silence. Si tu ris, je rirai avec toi, mais jamais de toi.
Si tu es triste, j’essaierai de te consoler. Je ferai pour toi des bouquets de soleil. J’allumerai des feux de joie là où chacun ne voyait plus que cendres.
Si je n’ai qu’une rose, je te la donnerai. Si je n’ai qu’un chardon, je le garderai pour moi. Je te donnerai ce qui te plaît, ce qui te rassure le plus, si je le possède. Si je ne le possède pas, j’essaierai de l’acquérir.
Donne-moi la main. Nous irons où tu voudras. Je te ferai entendre la musique que j’aime. Si tu ne l’aimes pas, j’écouterai la tienne. J’essaierai de l’aimer.
Je te dirai le nom de mon fleuve, je le sais. Car l’eau fuit. Coulant vers son destin, toujours pareille et toujours renouvelée.
Chacun de nous a laissé sur une berge des instants de sa vie qui sont devenus souvenirs, racines, source où l’on revient quand resurgit en nous la soif de pureté.
On dit alors « mon fleuve », pour ne pas dire « ma jeunesse », pour ne pas dire « mes amours », pour ne pas dire « autrefois ». Si tu le veux, je dirai « Il était une fois… »
Je t’apprendrai ce que je sais. C’est peu. Tu m’apprendras ce que tu sais. C’est beaucoup. Ne dis pas que tu ne sais rien. Cela n’existe pas, quelqu’un qui ne sait rien. Ou alors, si cela existe, tant mieux.
C’est comme un jardin sauvage, un jardin vierge, un jardin à naître, où l’on peut rêver de mille jardins.
C’est comme l’enfant à venir, l’enfant espéré. C’est la vie devant soi. Ronde et inattaquée, comme une boule de Noël.
Prends ma mains. Cinq doigts refermés autour des nôtres. C’est le plus beau cadeau du monde. Cela nous préserve de la peur, de l’abandon, du doute. Une main offerte, c’est un monde nouveau. Deux bras ouverts, c’est le miracle.
Je te prêterai un peu de ma folie. Enseigne-moi un peu de ta sagesse. Un peu, mais pas trop. Quand tu me verras raisonnable, si je le deviens jamais, rends-moi, s’il te plaît, un peu de ma folie.
Empêche-moi de m’éteindre. Je t’empêcherai de te brûler pour rien aux feux des pilleurs d’épave. Efface de ma vie les gestes inutiles, les gestes sans amour. Il n’y a plus de gestes inutiles quand ils servent à la joie.
« Il était une fois » un lieu où j’aimais à chanter quand j’étais petite, parce qu’un écho chantait avec moi. Nous serons pareils à des échos. Je ne me blesserai pas de tes silences. Tu respecteras les miens. Je ne t’assassinerai pas de « Pourquoi? » Tu n’es ni clef ni serrure. Je ne suis ni charade ni question à résoudre.
Tu es toi. Je suis ce que je suis. Je ne troublerai pas ta musique intérieure. Ne dis pas que je fais des fausses notes si je ne pense pas comme toi. Nous sommes vivants en quête de vivants.
Donne-moi ta main. Si tu veux me quitter au coin de la rue, je te quitterai au coin de la rue. C’est promis. Si tu veux aller plus loin, je t’accompagnerai jusqu’à ce « plus loin ». Mais pas au-delà. Tu n’est pas remorqueur. Je ne suis pas bouée.
Nous allons avec la vie comme le sable, le temps et l’eau entre source et delta.